Comprendre son époque

Voici mon expérience extraordinaire « , disait Soeur Emmanuelle :
 » Après 22 ans passés dans les bidonvilles du Caire où la joie de vivre court de cabane en cabane, je rentre en France.
Et là, choc terrible : la morosité court de demeure en demeure, on ne se regarde pas, on ne se parle pas, on ne se connaît pas.
Pendant ce temps, la joie chante là où l’on vit sans eau, sans électricité, sans loisirs, mais dans la fraternité quotidienne.
Bonheur, où loges tu ?
Dans l’abondance des biens ou dans la relation du coeur à coeur ? »

l’individu et le groupe ?

L’humain et le groupe

Il est dans nos gênes de vivre en groupe. C’est inscrit dans notre patrimoine génétique. Comme pour tout groupe, même chez les animaux, il faut une organisation, qu’elle soit pyramidale ou horizontale. Elle est nécessaire pour la survie du groupe. C’est l’expérience de nos ancêtres préhistoriques qui nous l’a enseigné. 

Aujourd’hui où il n’y a plus de grands prédateurs vivants pour nous dévorer et que nous avons tout ce qu’il faut en machines outils pour nous nourrir et nous abriter, il serait juste de se poser la question de la  nécessité à rester en groupe.

Vivre dans des groupes isolés, parsemés de ci de là sur la terre est différent de vivre, comme aujourd’hui, entourés de centaines de milliers de personnes que l’on ne connaît pas et avec qui, au mieux, on partage juste le territoire ; au pire, on se fait la guerre au nom de valeurs et intérêts profondément opposés. 

Dans l’esprit des gens, le prédateur n’est plus celui qui était dans la nature et menaçait l’humain ; il est l’Humain.

L’enjeu du groupe a changé. Autrefois berceau de l’individu,  aujourd’hui il est davantage considéré comme une menace à l’épanouissement individuel.

Ce n’est plus l’intérêt du groupe qui prédomine, c’est celui de l’individu.

Le groupe, aujourd’hui fait peur.

L’individu a  l’impression de subir le groupe. Nous ne savons plus ce qui fait sens commun. Nous avons perdu le cap, l’intérêt du vivre ensemble.

Jusqu’ici la survie de l’espèce n’était pas en danger. Bien au contraire. Si bien que chacun a fonctionné selon son organisation sans vraiment percevoir l’intérêt d’une ligne directrice commune.  Pourtant voyez comme les gens se rassemblent très vite dès l’instant où une puissance plus forte est perçue comme une menace pour l’individu. (innondation, grève, manifestation, associations caritatives ,etc) En fait, les gens se rassemblent aujourd’hui quand il s’agit de lutter contre quelque chose. Il leur faut des causes communes pour retrouver toute la force salvatrice du groupe.

A la fois semblables et différents

Quand j’entends que nous sommes tous les mêmes et qu’il ne faut pas juger, je me dis « quelle erreur! »

Nous sommes tous absolument différents et spécifiques. Le jugement est dans la nature de l’homme. Dès la naissance, nous construisons notre petit juge intérieur. C’est lui qui va aider l’enfant à se construire un cadre, des interdits, une « norme », une conduite sociale  qui fera de lui un citoyen apte en vivre en groupe.

Ce petit juge intérieur est au début essentiellement nourri par l’éducation parentale, puis par ses groupes de pairs, par les réseaux sociaux et plus globalement son expérience de vie.

Son mode d’expression est : « C’est bien » « c’est pas bien » « c’est mal ».

Un enfant qui n’a pas ces repères se sent perdu face au monde, dans la relation aux autres, s’il ne sait pas ce qu’il convient de faire ou non. Adopter une conduite sociale commune à un groupe permet d’en faire partie.

Et pour un adulte ? Ne vous êtes vous jamais trouvé dans une situation sociale où vous n’aviez pas les codes, ne saviez pas comment vous comporter avec cette peur irrationnelle d’être rejeté, comme démasqué comme ne faisant pas partie du groupe, une sorte d’imposteur ?

Et c’est normal car il y a de fortes probabilités que, ne faisant pas partie du groupe, vous puissiez être ressenti comme un corps étranger menaçant.

(Pour comprendre ce phénomène de groupe, qui n’est ni bon, ni mauvais, mais juste constitutif d’un groupe, je vous invite à cliquer sur ce lien.)

La société, actuellement, est plus que divisée. Les différents mouvements se créent dans l’opposition ou l’identification. « Pour ou contre »

Notre société occidentale traverse une véritable crise identitaire. Nous ne savons plus à quels groupes nous appartenons, ni à quels normes et lignes de conduite adhérer.

Consensus, prosélytisme, racisme, égalité, angélisme… Le tout un chacun est balloté d’une idéologie à une autre. D’un « c’est bien » d’un côté à un « c’est mal » de l’autre, exactement pour la même chose selon le groupe auquel nous appartenons.

Le groupe, ne sert plus l’épanouissement de chacun. Il sert de prétexte à légitimer sa propre cause, à éviter l’exclusion, le rejet. Il sert des desseins très personnels.

Quelle est notre part de liberté dans un groupe?